Les belles choses.

Se lever un samedi matin à 12h, avoir un café chaud dans les mains alors que la neige tombe et que tu meurt de froid, écouter un bon film, entendre une belle musique quand tu conduis recevoir des compliments, un étranger qui te sourit pour aucune raison valable, le rire d'un jeune enfant, s'enrouler de draps pour te tenir au chaud, être avec tes amis, passer du bon temps.

Les belles choses.

Moi, j'aime ce genre de belles choses, comme tout le monde, mais j'aime aussi cette belle chose, cette petite larve qui vient à peine de naître, il y a quelques semaines. C'est vrai que ça pleure, ça fait pas ses nuits, c'est pas capable d'aller au toilette, de se faire à manger, de signer un contrat, où bien encore de parler. C'est con, c'est innocent, et c'est magnifique.
Et surtout, ça sent la bonne humeur et la naïveté, ça aussi, c'est magnifique. J'ai jamais pensé qu'un jour je serais père, l'idée ne m'a jamais effleuré le cerveau, jusqu'à ce que Brenda me le demande. Au début, j'étais un peu réticent, faut savoir que mon père n'était pas vraiment le modèle de "père normal". L'idée d'être comme lui, je l'avais toujours ancrée dans un coin de cervelle. Je suis pas comme lui, je crois. J'espère pour Gabriel, en tout cas. Maintenant que ce petit rayon de soleil est sous mon nez, je me rend compte de la chance que j'ai, si c'est une chance.
Il fait encore noir dehors, je n'ai pas regardé l'heure en me levant, j'arrivais pas à dormir. Alors que pour une fois Gabriel se tenait silencieux, voilà que l'insomnie décide de faire un tour. Je me suis levé doucement, histoire de ne pas réveiller Brenda, m'étais tiré une chaise près du berceau de Gabriel, et je le fixais, ses petits yeux fermés, sa respiration remplissait la pièce. Il ressemble à un ange, Gabriel, avec sa peau aussi douce que de la soie et ses petites mains grassouillettes de bébé. Son regard est si paisible que c'en est réconfortant.
J'ai fais un bon choix, pour une fois dans ma vie. C'est vrai que j'ai des jours où je regrette ce que j'ai fais, les choix dans ma vie sont pas vraiment les meilleurs. Je regrette, en effet, mais c'est pas avec le regret qu'on va réussir à faire avancer les choses. J'aimerais pouvoir rétablir la paix sans avoir a y laisser ma tête, mais ça, c'est presque impossible. Et puis j'ai beau avoir été le "chef" de cette mini-apocalypse, je suis pas seul à prendre des choix. C'est pas avec un "on arrête tout" que tout va s'arrêter, hein. Il va toujours y avoir des gens pour répandre la haine. Je fais parti de ces gens, même si parfois j'aimerais bien être le contraire. Mais que voulez-vous? Il faut voir la vérité en face, et c'est pas en la contournant qu'elle va changer, cette salope.

Je tapote le bord du berceau en bois avec mes doigts, le regard un peu perdu, on est le matin, le bébé dort, Brenda, je sais pas trop si elle dort où pas mais j'ai pas envie de réveiller Gabriel en lui demandant, ou encore de la réveiller elle si elle dort vraiment pour de vrai, quoi. Alors je suis seul, dans mon monde, le noir qui engloutit la pièce d'une manière déconcertante. Je baisse les yeux sur ma montre, il est 5h du matin. Je me lève de ma chaise pour me diriger d'un pas léger vers la salle de bain, ferme la porte derrière moi avant d'ouvrir la lumière. La salle de bain est toute blanche, un peu comme tout l'appartement enfait, le manque de personnalité est peut-être dû à mon manque de personnalité, je sais pas. Mais moi, je trouve ça joli, le décor est froid, c'est vrai, mais on réchauffe un peu l'atmosphère avec quelques vases de couleurs par ci par là, et parfois quand je peux je mets des fleurs. J'aime bien les fleurs, surtout quand elles sentent bonnes, l'odeur se répand partout dans la pièce et c'est comme si on était dans une prairie. Je m'approche du miroir pour pouvoir observer mes cernes qui sont visibles à des kilomètres. J'ai l'air fatigué? Je suis fatigué. Je m'étire les bras, replace mon t-shirt gris qui me sert de pyjama avant de sortir à nouveau de la pièce pour "sauter" sur le lit -je ne saute pas vraiment, avec mon poids je risque de faire valser Brenda sur le plafond, ce qui réveillerait le bébé, à coup sûr, non, je n’exagère pas du tout-. Breeennndddaaaaaaa.
Breeeeeeeeeeennnnnnnnnddddddddddddddddaaaaaaaaaaaaaaaaaa.
Réveille-toi sinon je vais mourir d'ennuiiiiiiii.